La fin de l’année 2011 verra la ville de Saint Pierre des Corps décider de son mode de gestion de la distribution d’eau potable. Le groupe de travail sur cette question s’est rendu au mois de juin à Libourne pour y étudier une façon originale et exigeante d’aborder la question de la délégation de service public.
Libourne est une ville de 23 000 habitants, au cœur d’une agglomération de 40 000 habitants, la communauté de communes du Libournais, à forte identité viticole. Le maire est Gilbert Mitterrand (PS), il anime une équipe d’union de la gauche. Une adjointe, Catherine Bernadeau, est chargée de l’évaluation des politiques publiques, aux modes de gestion du service public. Elle a particulièrement été attachée à l’élaboration de la politique en matière d’eau de la ville. Un adjoint Europe Ecologie – Les verts, Joël Rousset, couvre le développement durable.
La précédente délégation de service public de l’eau prenant fin en juin 2009, au sortir de l’élection municipale de 2008 une des premières taches qui attend l’équipe de Libourne est de définir ce que sera la politique municipale en la matière.
La base de ce travail fut la définition d’une charte de l’eau précisant les principes politiques servant de base à la gestion de ce domaine. C’est bien l’outil de gestion, que ce soit une régie ou un délégataire, qui doit se plier aux exigences politiques et non la collectivité qui doit céder devant les exigences des gestionnaires. Tout ce qui sera exigible d’un délégataire le sera également d’une régie.
Pour définir cette politique la ville constitue alors une commission consultative composée d’élus municipaux de la majorité et de l'opposition, des représentants des quartiers de Libourne, d’experts qualifiés, de représentants associatifs et d’acteurs socioprofessionnels. Son travail aboutit à la définition d’une charte qui sert de base à la consultation pour une délégation de service public. Cinq dossiers sont déposés dont deux qualifiés de « sérieux » par le maire. La Lyonnaise se voit attribuée la délégation pour une durée de sept ans et six mois.
Pour veiller à la tenue des engagements pris par le délégataire, le conseil municipal crée le 11 février 2010 une régie de contrôle de l’eau comprenant des élus, des techniciens, des représentants des usagers, des conseils de quartier.
- Chaque mois le délégataire rencontre la ville sur les sujets techniques.
- Chaque trimestre la régie de contrôle se réunit pour le suivi de la délégation
- Chaque année la régie examine le rapport annuel du délégataire. Pour l’assister elle désigne l’expert de son choix aux frais du délégataire.
- La régie peut contrôler de façon inopinée le délégataire sur tous les aspects, techniques ou financiers, « sur pièce et sur place ».
Un des principes retenus est que l’accès à l’eau pour tous est donc un droit fondamental, quelque soit ses ressources. La conséquence en est que la ville met en place une tarification progressive de l’eau, allant d’une première tranche dite « vitale » englobant les 15 premiers mètres cube à une eau dite de « confort ». On n’ose qualifier la tranche située au-delà…
De 0 à 15 m3: l'eau vitale
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0,10 €/m3
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De 16 à 120 m3 : l’eau utile
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0,70€/m3 HT
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De 121 à 150m3 : l’eau de confort
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0,75/m3 HT
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Au-delà de 151m3
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0,851€/m3 HT
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La préoccupation est double, économique et écologique, puisque de cette façon le gaspillage est pénalisé. La première mouture du projet présentait néanmoins une faiblesse : les familles nombreuses étaient pénalisées du fait de leur consommation plus importante. La commune est donc en train de mettre en place un système de quotient familial.
Il faut noter que pour établir cette grille tarifaire le délégataire doit utiliser les données qui lui sont données par la ville.
Sur le plan financier plusieurs mesures « encadrent » l’activité du délégataire.
- Sa rémunération est plafonnée à 4,5 % (résultat net sur CA). Les dépassements sont reversés à un fonds social ou aux investissements.
- Un fonds de solidarité sera créé pour aider les plus démunis grâce à un prélèvement de 1% sur les recettes de l’entreprise délégataire.
- La rémunération est réduite si les performances environnementales ne sont pas atteintes (le contrat avec la ville de Libourne comprend l’assainissement)
Sur ces aspects financiers nous devons avoir en mémoire la difficulté que nous pouvons avoir à suivre les performances de Veolia en termes financiers. Les clés de répartitions sont opaques, les résultats difficilement lisibles pour des non experts. De ce point de vue la ville de Libourne contraint le délégataire à présenter ses résultats sous une forme définies et stables, répondant à des axes de contrôle précis. De plus la possibilité pour la ville de désigner l’expert de son choix est un atout.
Les contraintes sont donc fortes sur le délégataire et je ne peux toutes les évoquer sans alourdir davantage ce texte, vous pouvez ici consulter en ligne la chartre de la ville de Libourne. L’intérêt de la Lyonnaise est politique. Le délégataire se montra ainsi comme capable de répondre à de fortes contraintes sociales et environnementales et peut le porter comme un étendard. Mais comment répondraient les grands opérateurs si toutes les communes en délégation avaient ce niveau d’exigence. « Notre positionnement n’est pas un renoncement, mais une ligne de front » dit le maire de Libourne .Il y a peut être là une voie originale pour la combat sur la distribution de l’eau.
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