Une fois n’est pas coutume un rapport d’une sénatrice UMP, Fabienne Keller, sur « l’avenir des collèges dans les Zones Urbaines Sensibles » donne des éléments intéressants pour une réflexion pouvant conduire à des décisions bien concrètes. Rappelons qu’une partie de notre ville est en zone sensible et que le collège jacques Decour accueille nombre de collégiens y vivant.
D’abord quelques chiffres pour montrer à quel point il y a urgence à les prendre en compte. Ce sont 220 000 jeunes qui sont scolarisés dans les collèges des zones urbaines sensibles. En ZUS le chômage est deux fois plus élevé qu’ailleurs et 42% des jeunes de moins de 25 ans y sont sans emploi. Dans certains quartiers 76% de ces jeunes sont issus de l’immigration ce qui peut accréditer l’idée d’une ghettoïsation.
Malgré l’engagement des équipes, l’éducation nationale répond mal à une situation critique. La discutable réponse des internats d’excellence reste limitée : 6500 places. Les établissements de réinsertion scolaire comptent 150 places sur l’ensemble du territoire et là aussi la mise en place pose beaucoup de questions.
Le rapport prend à bras le corps deux aspects délicats : la double culture et l’appartenance religieuse. Pour la sénatrice un indispensable travail de mémoire doit être mené aves ces jeunes qui ne se reconnaissent pas dans la société française telle qu’elle est mais qui sont également coupés de leur histoire d’où l’idée d’un manuel d’histoire Franco Africain. J’ajoute que ce travail de mémoire devrait être mené plus largement tant la société française occulte le passé colonial et du coup est souvent incapable d’accepter qu’il ait modelé la France d’aujourd’hui. Elle aborde également la question des pratiques religieuses, soulignant que les menus Hallal dans les collèges de Strasbourg permettent de lutter contre le sentiment de rejet éprouvé par de nombreux jeunes musulmans. Il faut noter que sur d’autres territoires cette solution a donné naissance à d’autres situations délicates. Des parents ont réclamés la constitution de tables dans les restaurants scolaires par régime religieux, ce qui va dans le sens d’un clivage encore plus poussé. Ces questions sont souvent évités par les politiques de tout bord .Mais peut on prétendre être politique en fuyant les questions épineuses ? C’est sans doute un des maux dont nous souffrons, l’absence de réponse aux questions sensibles.
La sénatrice note que le collège devrait aider à décloisonner l’univers des jeunes. Les stages de 3ème sont trop souvent le "miroir de l'enfermement des quartiers". Il faudrait sur ce point multiplier les lieux de stages extérieurs aux zones sensibles. Par ailleurs Fabienne Keller prône une meilleure organisation pédagogique, privilégiant les approches interdisciplinaires, les projets de classe, une meilleure utilisation des TICE, une prise en compte plus importante des réflexions des équipes et de leurs projets.
On peut craindre que dans son propre camp la sénatrice prêche dans le désert. Il faut au moins saluer un travail lucide et honnête. Cela prouve que les alarmes posées régulièrement par la gauche ne sont pas des leurres électoraux. Les dangers qui pèsent sur la scolarité en zones sensibles sont bien une réalité et peuvent faire l’objet d’un consensus dans les mesures à mettre en place. C’est sans doute un enjeu pour que la nation accepte de faire le choix d’un effort considérable et sur le long terme pour l’éducation. Je crains que nous ne puissions le faire avant le printemps de 2012. Peut être que s’ouvrira alors la saison des femmes et des hommes de bonne volonté.
Le rapport Keller : http://www.senat.fr/rap/r10-352-1/r10-352-11.pdf
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